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Les rapports « clinique/protocole » offrent une fructueuse entrée dans les multiples défis contemporains des interventions sociales et médico-sociales, d’enseignement, médicales, psychologiques…

Le pluriel est de mise : il y a différentes sortes de rapports entre des cliniques et des protocoles eux-mêmes pluriels. Il importe, en effet, de ne pas ériger des modalités particulières de clinique et de protocole, et de rapports entre eux, en prototypes soi-disant indépassables.

La clinique est un travail au cas par cas, attachée à la singularité des situations et des personnages, attentive à des enjeux précis, conjoncturellement et historiquement connotés. Sa mise en œuvre suppose un ou plusieurs protocoles, soit des référentiels organisés, des orientations systématisées, des règles quant au caractère privilégié ou secondaire de certains traits, comportements ou paramètres. Pas de clinique sans guides relativement formalisés. Ni l’intuition, ni le bon sens, ni même l’expérience ne suffisent à l’orienter. Pas de clinique non plus sans posture éthique sans certaines relations avec les usagers, avec les consignes, les procédures et les buts – elle pointe un certain type de société. Avec des visées idéologiques, toujours agissantes au cœur des postures éthiques.

Diverses occurrences l’illustrent. Avec un protocole psychologiste, la clinique transmue l’incontournable dimension psychique en cause majeure et complète de toute problématique individuelle et collective. Avec un protocole sociologiste, elle fait de l’usager la victime sans défense ni stratégie d’un Système aussi aveugle qu’impitoyable. La clinique ignore parfois que les conditions de vie des gens ne composent pas uniquement leur contexte extérieur mais constituent également la sève de ce qui leur arrive…

Cela dit, quand une démarche clinique parvient difficilement à dégager la logique d’une situation, ou quand celle qui se dégage s’avère plutôt instable, forcée, bancale, le moment est sans doute arrivé d’interroger le protocole qui oriente cette clinique, de le rectifier, sinon de l’abandonner.

Une clinique ne se limite pas à appliquer un ou plusieurs protocoles. Elle les met à l’épreuve, les expérimente, les confirme ou les infirme – preuves à l’appui. De nouvelles cases, de nouvelles sensibilités, de nouvelles relations, des protocoles inédits peuvent voir le jour qui rendront possible une autre clinique, une autre manière de se coltiner le réel.

Il s’agit bien d’un rapport à trois termes : démarche clinique, protocole théorico-idéologique et enfin posture éthique. Celle-ci, soit se soucie des tenants et des aboutissants des deux premiers jusqu’à en inspirer la rectification partielle ou complète, soit glorifie la clinique existante comme si c’était un nec plus ultra et ses protocoles comme s’ils étaient des pensées obvies, indiscutables. Investir versus appliquer. Inventer versus plaquer. Féconder versus stériliser.

La clinique est cruciale car elle plonge dans le cambouis du réel. Les protocoles sont décisifs car ils prescrivent ce que la clinique devrait faire. La posture éthique reste, elle, déterminante car s’y décide pourquoi et comment telle clinique opère, tel protocole oriente, pour quoi et pour qui, contre quoi et contre qui : parce qu’elle n’est pas idéologiquement neutre. Berceau de l’analyse des pratiques proposée par le Réseau Pratiques Sociales.

Saül Karsz – mars 2023

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