Adaptation et mise en scène d’Eric Petitjean
« Comment tu t’appelles ? » demande à chaque spectateur l’acteur qui dans la pièce joue l’un des journalistes de Papotin. D’autres questions essentielles jalonnent ce spectacle joliment tissé à partir du Papotin, journal conçu et écrit depuis vingt ans par des personnes dites autistes : la vie en société, la politique, les mathématiques, le chômage, les voitures, l’amour… Des questions essentielles donc, posées par ces journalistes hors normes à leurs éminents invités au fil des années … Questions – réponses où le non-sens et la vacuité ne sont pas toujours du côté que l’on croit !
Là où nous faisons avec la vie et le quotidien comme nous pouvons et sans toujours poser des questions, les personnages s’interrogent, expriment leurs incompréhensions, leurs désarrois, leurs colères. Grâce à leur façon étrange de dire ces choses familières, on se prend à les regarder différemment. Une proposition pour compenser la tâche de Mariotte, ce point aveugle qui nous empêche de voir d’un seul œil l’ensemble de ce qui s’offre à la vue. Une incitation pour les « non autistes » que nous croyons être à réaliser chez nous-même l’existence de ce point aveugle ?
La justesse et la sobriété des comédiens donnent de la puissance aux propos et du relief aux personnages. Du relevé des différences entre eux et nous, celles qui nous éloignent, qui nous font peur et nous font rire, nous glissons vers ce qui fait ressemblance. Leurs obsessions nous attendrissent. A mieux y regarder, nous nous y reconnaissons. C’est nous, qui n’aurions pas renoncé à manifester nos sentiments et nos espoirs… Et si nos différences pointent de nouveau, nous nous contemplons par contraste dans le miroir qu’ils nous tendent : nous voilà, bien plus policés qu’eux, bien plus retenus, bien plus raisonnables… civils mais peut-être moins civilisés ?
Cécile Peltier – Mars 2016