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Description : objet d’attentes hétérogènes en termes de savoirs et de savoir-faire, le psychologue l’est aussi de représentations, croyances et autres préjugés. Tantôt convoqué comme thérapeute des souffrances présumées de l’usager, tantôt considéré comme détenteur de la clé des comportements qui échappent à la compréhension de ses collègues non-psy, tantôt confesseur improvisé de ces derniers, ce professionnel suscite confiance et/ou défiance plus ou moins irraisonnées quant à ses capacités à répondre aux interrogations. Place et rôles d’un psy dans une équipe d’intervenants sociaux ne vont jamais de soi.

Paradoxe : comme tout autre, ce professionnel est un des nombreux représentants d’une discipline dont il ne maitrise pas tous les contenus – même s’il fait parfois office de sujet supposé savoir, l’illusion d’un savoir complet et achevé portée par lui-même et/ou ses collègues ne fait pas long feu face à l’énigme de tout sujet. La personne accompagnée reste, en effet, insaisissable dans sa complexité. C’est pourtant dans le périmètre de son arsenal conceptuel que le psy est tenu d’apporter son éclairage, des éléments de compréhension d’un réel qui lui échappe en partie. Ni devin ni factotum, il a une pratique à dominante psychologique : si la psychologie, dans une ou plusieurs de ses variantes, constitue le référentiel théorique et clinique de ses interventions, celles-ci induisent des effets qui dépassent ce référentiel.  C’est pourquoi les implications de ses pratiques minorent ou majorent celles des autres professionnels qui, réciproquement, impactent les siennes.

Perspective : un parti pris est à construire grâce aux techniques et compétences disciplinaires du psy et également par des ressources mobilisables tant du côté de l’ensemble de l’équipe que des personnes accueillies. Dialectique des savoirs d’une discipline, de ses enjeux et impasses, et de la prise en compte des connaissances, incompréhensions et désaccords des collègues et également des usagers. C’est à partir de là que nous proposons au lecteur-lectrice d’entamer le débat (mail, téléphone, Skype, présentiel).

Claudine Hourcadet – janvier 2015

Cet article a 4 commentaires

  1. François Chobeaux

    Et si on posait autrement la question non pas « du » psy, mais « de la psy » dans ces équipes ?
    Dans le réseau Jeunes en errance (équipes de rue, accueils de jour, hébergements, addictions…) nous y travaillons.
    Dans la plupart des situations il n’y a pas de psys dans les équipes, mais « la psy » y existe : par les quelques savoirs qu’en ont les intervenants, certains plus que d’autres ; également par le lien établi avec les équipes mobiles Psychiatrie-Précarité. Rarement par la présence directe et permanente d’un psy patenté.
    Le volet de l’intime émerge très souvent dans les relations établies avec les usagers. Paroles sur soi, évocations du passé, autant de portes ouvertes. Les intervenants sociaux sont très prudents devant ces ouvertures, eux-mêmes peut-être convaincus d’un supposé savoir des psy qu’ils n’ont pas. Il faudrait à ce propos voir comment la corporation psy produit elle-même cette aura de compétence particulière.
    Pourtant, recevoir la parole intime d’un usager quand il la propose peut l’aider à avancer dans sa réflexion sur lui-même, et nul n’est besoin alors d’une formation spécifiquement psy pour cela. Simplement écouter, pour permettre d’élaborer car le passage par la parole est déjà un travail sur soi par la mentalisation et l’explicitation qu’il exige. Evidemment il faut aussi savoir alors ne pas laisser la personne s’enfermer dans un soliloque circulaire, savoir passer la main au psy.
    Il est alors utile que ce psy soit connu, identifié par tous dans le périmètre du travail de l’équipe, afin que ce passage soit naturel et non rupture. Ainsi, des équipes mobiles psy-préca passent-elles régulièrement dire bonjour et papoter dans des accueils de jour, histoire de peu à peu faire partie du paysage.
    De rares équipes comprennent des pys à plein temps. Ce sont alors des psys étranges, pas psy comme les autres ou pas comme la représentation qu’on en a : ils font comme tout membre de l’équipe l’accueil et le café, comme tout membre ils discutent à bâton rompu avec les usagers qui savent qu’ils sont psy. et qui peuvent leur dire un jour qu’ils aimeraient bien parler un peu avec eux.
    C’est en fait une histoire d’interprofessionnalité. Tous les intervenants tiennent les mêmes fonctions pour une grande partie de leur temps, aucun ne s’interdisant d’ailleurs d’aller un peu sur la compétence professionnelle d’un autre tout en sachant renvoyer à cet autre (éduc, AS, psy, CESF, infirmière, cuisinier…) quand cela devient vraiment technique.
    Une autre fonction du psy est pour l’équipe, qui peut profiter de son savoir particulier pour comprendre mieux ou autrement ce qu’est un usager. La façon lamentable dont la psychopathologie est traitée dans les formations initiales des travailleurs sociaux les rend fort utiles ! Mais c savoir particulier n’est pas supérieur à celui d’une AS, d’un éducateur. Mais au fait, alors, pourquoi la CC 66 fait-elle systématiquement cadres les psy ? Tout est en place pour légitimer le supposé-savoir supérieur.
    Pour revenir à la question initiale, le psy dans une équipe d’intervention sociale n’est pas là pour jouer au psy avec son bureau, sa porte fermée, ses secrets, ses mots compliqués qui montrent bien que lui est différent, ses reformulations et son travail du transfert. Non pas que cela soit inutile, mais ce ne sont que des outils, pas les attributs de la fonction. Il est, il n’est qu’un intervenant comme les autres, et comme les autres porteur d’un spécialité particulière.

    1. claudine

      Une remarque préliminaire : parler de « psy » sans préciser s’il s’agit de psy-chologie, psy-chanalyse, psy-chiatrie, n’est-ce pas réduire ces disciplines à leur objet supposément commun, à savoir la « subjectivité », le « psychisme », en occultant leurs différences conceptuelles, présupposés théoriques et visées pratiques ?
      • Psychologie/psychologue
      D’après le texte, une distinction serait à faire entre la discipline – la psychologie – et la fonction de psychologue, l’une pourrait exister sans l’autre ; tout intervenant serait ainsi amené à faire de la psychologie dès lors qu’il traiterait de l’intime ou recevrait la parole de l’usager. Cela pose plusieurs questions : d’abord, il conviendrait de savoir ce que l’on entend par intime… Ensuite, risque d’une équivalence plutôt confuse entre l’intervention d’un travailleur social qui en effet mobilise consciemment ou non des enjeux psychiques chez l’usager et chez lui-même sans en faire un objet de travail relevant de la psychologie et par ailleurs l’intervention d’un(e) psychologue qui vise essentiellement à identifier et à intervenir sur des mécanismes psychiques à l’œuvre chez l’usager ?
      • Pourquoi le statut de cadre pour les psychologues dans la CC 66 ?
      Une des raisons serait la prévalence de l’approche individualiste et médico-psychologique dans le secteur social et médico-social. Sans oublier que le statut de cadre est corrélé au niveau de diplômes.
      • Modalités d’intervention du psychologue
      Il y a sans doute plusieurs modalités d’exercice de la fonction de psychologue ; cela tient pour une part à l’éthique du praticien – soit à ses partis-pris subjectifs et idéologiques – mais également aux orientations institutionnelles – soit aux partis-pris politiques et techniques de l’institution, sur fond de politique sociale…

      Joël Pouliquen 24 février 2015

  2. kaufmann

    Bonjour,
    merci pour cette mise en mots d’une problématique avec laquelle je travaille depuis plus de douze années maintenant. Au cours de ces années des évolutions ont été possibles, des aménagements,des discussions , des débats car faire partie de l’équipe et travailler ensemble tenait d’une évidence pour moi . Aujourd’hui, les espaces d’échange se réduisent à quelques réunions faisant un catalogue des situations problématiques pour l’intervenant social et je concentre mon attention sur mon activité clinique en proposant des orientations en direct. Les causes en sont multifactorielles:institutionnelle, arrivée des EMPP, nouvelle generation de professionnels,……Je me questionne donc sur la pratique du psychologue en équipe sociale à l’avenir.
    Cordialement,
    Valérie Kaufmann

  3. François Chobeaux

    Valérie Kaufmann,
    Et si vous l’écriviez pour VST, la revue de travail social et de santé mentale des CEMEA ? 20000 signes maxi…
    François Chobeaux

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