Prise de conscience
En politique, dans les histoires conjugales et familiales, dans des situations sociales diverses, la prise de conscience marque un point d’arrêt : à la fois révision du passé et nouveau départ. Prendre conscience aide à se déprendre de quelques mirages, à convertir des fatalités subies en choix réfléchis, à repenser les stratégies d’intervention. Moment précieux et déterminant. On admettra cependant que prendre conscience n’équivaut pas à saisir complètement le réel, à le supplanter et le tordre à sa guise –celui-ci n’étant pas réductible à ses représentations. « La conscience de la nécessité, explique Marx, ne supprime pas la nécessité ». Condition sans doute nécessaire, la prise de conscience reste d’autant plus insuffisante qu’elle se découpe au sein d’une logique inconsciente que chaque sujet maitrise partiellement : « conscience » est précisément le nom de cette maîtrise partielle, c’est pourquoi elle peut aboutir à de nouveaux mirages… Raison, certes pas pour éviter toute prise de conscience, mais pour savoir que deux butoirs la cernent : le réel de l’histoire sociale et l’inconscient de l’histoire subjective – deux butoirs avec lesquels elle fait ce qu’elle peut, c’est-à-dire pas tout.
Saül Karsz – juin 2014