Le cinéma, et plus généralement le domaine artistique, est une moulinette dans laquelle passe et repasse le réel, se présentant sous de multiples déclinaisons, des plus réalistes (ou signifiées comme telles) aux plus extravagantes voire surnaturelles. Des dynamiques sont à l’œuvre dans la façon dont se construit un film et traversent autant le produit fini que les multiples responsables de sa fabrication (producteur, scénariste, metteur en scène, acteurs, techniciens…). Un film fantastique, ayant vocation à propulser le spectateur dans des mondes imaginaires, peut nous parler du réel de façon éclairante, des romances à l’eau de rose posséder des portées philosophiquement déterminés, ou encore des films dit engagés peuvent ne pas être au clair quant à l’engagement en question et/ou ne pas avoir conscience que tout scénario est, de fait, engagé. Autant d’éléments qu’une critique doit tenter d’explorer : lire un film, c’est poser un regard, adopter un angle d’attaque, analyser l’œuvre pour en identifier les logiques.
A l’insu des intervenants, le cinéma parle du monde, fait parler le monde, bien au-delà du récit ou de l’art de mettre une histoire en image, ne se cantonnant ainsi pas à d’initiales visées à dominante artistiques. Dans des éléments à première vue purement techniques et propres à la grammaire cinématographique, se logent effectivement des enjeux idéologiques, forcément arrimés, noués aux inconscients des protagonistes œuvrant à la création d’un film. La façon de poser une caméra pour filmer le réel est un geste politiquement déterminé (de façon explicite chez des cinéastes tels que Abdelatif Kechiche –La graine et le mulet, Maurice Pialat- L’enfance nue, ou les frères Dardenne- Deux jours une nuit, maîtres du cinéma dit réaliste). La manière de diriger les acteurs, les choix de décors, de costumes, de dialogues, d’écriture des personnages sont autant de composantes à prendre en compte pour poser un regard analytique sur un film.
C’est à cet exercice d’analyse que nous nous adonnons dans les fiches cinéma publiées dans LePasDeCôté, en tentant de repérer quand et comment le cinéma parle de nous, ou plus exactement, Nous parle. Le cinéma n’est jamais uniquement du cinéma, ne parle jamais que du cinéma, il traite de certaines réalités, sans pour autant épuiser le réel.
Sébastien Bertho – octobre 2015