A propos du film « Au revoir là-haut » de et avec Albert Dupontel – octobre 2017
L’homme est moins lui-même quand il est sincère, donnez-lui un masque et il dira la vérité. Oscar Wilde
La Grande Guerre est encore dans les souvenirs tant elle a fait de victimes directes et indirectes. Des combats acharnés d’armées et de pays ennemis ont laissé sur le carreau l’orgueil des nations en même temps qu’une multitude de petites gens qui ne demandaient pas à figurer sur les listes des monuments aux morts et pour lesquels l’après-guerre a été fort difficile.
C’est ce que nous donne à voir ce film, adaptation fort réussie du roman éponyme de Pierre Lemaitre. Edouard a sauvé Albert qui a son tour veut sauver Edouard. Liés par-delà les atrocités et aussi grâce à elles, ils cherchent comment survivre et recevoir la monnaie de ce qu’ils ont payé à la guerre. Pour sortir de la misère et dépasser sa douleur à vivre, Edouard imagine et dessine des monuments aux morts qu’ils proposeront aux villes et villages français sans jamais en assurer la fabrication. Issus de classes sociales différentes, ils vont s’acharner, chacun à sa manière, à mettre au point cette arnaque. Edouard, né dans une famille aisée, ne s’embarrasse pas des problèmes matériels que tente de résoudre Albert. Ce dernier, de milieu populaire, accède grâce à son compagnon d’infortune à la perspective d’une vie meilleure.
L’emblème du film est le masque, illustré d’abord par les parures qu’arbore Edouard, gueule cassée qui cache ainsi son visage défiguré et fuit son passé familial, ensuite par les faciès des autres protagonistes de cette histoire. Pour l’un, le masque-objet dissimule, camoufle, ôte aux regards ce qui ne peut ou ne souhaite être montré. Tel le persona des acteurs du théâtre romain, il met en exergue les états d’âme du porteur et permet de lire ses désirs, colères, fatigues. Pour les autres, le masque-faciès dévoile, affiche, révèle les pulsions, sentiments, postures, orientations idéologiques sans que ceux qui en sont affublés en soient toujours les initiateurs conscients. Ainsi l’employé de l’Etat, rond-de-cuir incorruptible, porte sur son visage la rigueur et la soumission au règlement que requiert sa fonction. A contrario, le masque sert à escamoter un individu et duper ceux qui le regardent, comme la joliesse du lieutenant-colonel Pradelle cachant une âme noire ou la sévérité du père d’Edouard qui dissimule tendresse et nostalgie.
Les repères sont ici brouillés. Ce qui est conforme à la loi frôle le ridicule et ce qui pourrait passer pour malhonnête parait sympathique. La morale de l’histoire n’est pas toujours celle que l’on croit…
Claudine Hourcadet – Novembre 2017
Au revoir là-haut
J’ai aimé ce film, immoral s’il en est mais tellement humain, et tellement bienfaisant. A consommer sans aucune modération