Parlant de son livre, écrit dans un style tumultueux, plein d’humour et de poésie, Pierre Souchon déclare : « J’ai voulu démêler les fils de mon histoire, comprendre ce qui m’arrivait ».
Evénement majeur de cette histoire, le diagnostic à l’âge de 20 ans de troubles bipolaires et des séjours en hôpital psychiatrique auxquels l’auteur va être contraint, non sans opposition réfléchie au pouvoir que représente l’ordre médical psychiatrique.
Dans son récit, l’auteur entrecroise positions sociales et trajectoires subjectives : origines familiales, études supérieures, amour pour une femme de milieu social aisé, rencontre avec la grande bourgeoisie. Comme s’il ne pouvait parler des uns sans immanquablement évoquer les autres. Comme si ce que la psychiatrie isole comme relevant seule de la maladie, Pierre Souchon le replace dans une histoire sociale où le conflit idéologique constitue un dénominateur commun dans les étapes de son existence :
- Elevé dans un milieu de paysans Ardéchois quelque peu lettré, il parvient aux études supérieures, côtoie des étudiants de milieu bourgeois et identifie ce qu’il nomme alors « une guerre sociale ». Il crie toute sa colère à l’un d’eux : « Est-ce que je pouvais te raconter qu’il faut vivre avant d’écrire, et que l’histoire des hommes ne se contemple que les mains dans la merde, pas avec le regard en surplomb d’un collectionneur de papillon ? ».
- Marié à une femme de la grande bourgeoisie, il exprime son attrait pour cette classe souvent détentrice d’une certaine culture et sa répulsion, voire sa rage, devant le banal mépris de cette même classe pour le monde ouvrier.
De la révolte contre l’insoumission à l’ordre social, Pierre Souchon produit, avec une étonnante lucidité, un décryptage du rapport dense, entremêlé, entre conflit idéologique et conflit psychique, à propos de la santé mentale.
Joël Pouliquen – Avril 2018