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You are currently viewing Du difficile partenariat parents – professionnels

Parents professionnels LPDC 70
Des dispositifs juridiques prévoient que les parents soient associés par les professionnels à l’accompagnement des usagers, que ces derniers soient placés dans leur famille ou en institution. Or si « le travail avec les familles est devenu une figure obligée du travail social » [Laurent Ott], il ne va cependant pas de soi. Il est question ici à la fois de bonne volonté et de compétences… mais pas seulement.

Quand un service reçoit un enfant qu’il se propose d’accompagner, il reçoit et accompagne également ses parents. Ces derniers en effet confient leurs enfants aux professionnels censés être en capacité de faire quelque chose pour l’enfant mais aussi pour eux-mêmes, les réconforter et les conforter dans leurs choix et leurs décisions, les rassurer, les soutenir, voire les soulager d’une situation trop lourde. La place des parents s’avère en réalité peu banale tant les territoires des uns et des autres semblent balisés et les positionnements respectifs parfois ambivalents.

Côté parents, culpabilité et frustration peuvent rimer avec incompréhension et offensive. Les choses ne sont guère faciles pour faire entendre ce qu’ils savent des difficultés mais aussi des ressources de leur enfant, de ses particularités, de ses besoins et désirs. « Mon enfant je le connais par cœur ! » disent certains à juste titre. Pour autant, raconter son histoire à l’envi à des professionnels dont ils ont parfois du mal à cerner les missions et les objectifs provoque bien des découragements. Sans compter les désaveux possibles des enfants eux-mêmes qui déjouent leurs ambitions et leurs attentes. Ils connaissent très bien leur enfant mais jamais complètement. En outre – comme d’ailleurs la plupart des parents – ils souhaitent que l’on s’occupe de leur enfant comme on s’occupe des autres tout en reconnaissant sa spécificité.

Côté professionnels, sympathies et antipathies pour les usagers composant la famille viennent télescoper les savoirs et savoir-être légitimés par une formation et un diplôme. Ils ont quelques connaissances des situations vécues, des modalités de compensation possibles et des dispositifs mis en place pour accueillir et accompagner leurs destinataires. Ils savent quelque chose de leurs marges de manœuvre et de celles des autres professionnels. Pour autant, l’accompagnement qu’ils proposent ne peut faire fi de ce que suscitent les rencontres avec les familles. Affects, croyances, préjugés, modèles éducatifs et autres repères en matière de soin, de scolarité, d’insertion – soit des postures subjectives et des positionnements éthiques – viennent nuancer leur engagement auprès des usagers qui s’adressent à eux.

Les relations parents – professionnels ne sont en effet pas uniquement interpersonnelles. Elles sont médiées, d’un côté et de l’autre, par un arsenal de conceptions, valeurs, principes mais aussi par les préconisations en matière de politiques sociales, les recommandations de bonnes pratiques, les axes du projet d’établissement, les modalités de management des équipes, les conditions objectives de vie des familles. Cette complexité explique que les liens entre usagers-familles et intervenants sociaux ne peuvent se dérouler sans malentendus, sans dérapages et rétropédalages, sans des réussites renforçant les compétences des uns et/ou des autres. C’est au cas par cas que l’accompagnement peut s’inventer en donnant lieu à des complémentarités et des échanges de savoirs, savoir-faire et savoir-être[1].

Penser le partenariat en termes de processus – et non d’actes juxtaposés – peut aider à concevoir des modalités de coopération entre parents et professionnels. Un travail clinique telle l’analyse des pratiques réunissant tous les acteurs pourrait ici s’avérer précieuse.

[1] Voir Savoirs profanes et économie collaborative Saül Karsz, Eres 2014, Empan n° 94 pages 13 à 18

Claudine Hourcadet – Avril 2016

Cette publication a un commentaire

  1. Jerome Delfortrie

    Article très intéressant. Les mots ne manquent pas pour qualifier ces relations rêvées entre parents et professionnels ( partenariat, alliance , collaboration …). Pour autant, la réalité de ces relations gagnerait à être étudiée de façon lucide, comme par exemple au travers de l’échelle graduelle de la participation de Arnstein (information, consultation, conciliation, partenariat , Co construction , délégation citoyenne). En se penchant sur la manière dont les décisions sont prises notamment avec l’aide de l’analyse de la pratique , il serait possible à mon avis. de montrer que les parents sont plus souvent convoqués( et infantilisés ) que réellement associés.

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