Oui, cette campagne électorale est passionnante. A cause de tout ce qu’elle remue, réveille et met en jeu en moi, autour de moi, parmi mes collègues, mes amis, dans ma famille, mon couple, les oppositions qui s’y révèlent, contradictions idéologiques, manières de voir et de penser, de croire ou de ne pas croire, fidélités et infidélités, ce qui fait honte ou qui au contraire rend fier, ce qu’elle bouscule, ce qu’elle révèle de nos histoires singulières, intimes, et souvent insues.
C’est l’heure du choix, et donc de la division. Les réseaux sociaux regorgent de formules aussi assassines que brèves, de haines cuites et recuites, aucune prise de position ne peut se prendre sans qu’elle soit immédiatement décodée, analysée, déconstruite. Des alliances se font, puis se défont, se reforment… La Gauche est divisée, la Droite tout autant, et même le Front est plissé de l’intérieur…
Des psychanalystes appellent publiquement à battre Le Pen [ www.causefreudienne.net ]. Puis des artistes. Et aussitôt la toile se tisse et met en question : faut-il avoir peur de Le Pen ou de Macron ? Ou de Mélenchon ? Ou encore, le Pen n’est-elle pas une envie secrète de Macron ? Que révèle cette prise de position ? Que cache-t-elle ? [blog.mediapart.fr/diane Scott à monsieur Miller]
Faut-il voter ? Ou ne pas voter ? Blanc ? Selon son cœur, ou sa raison ? Utile ou inutile ? Et au deuxième tour, que fera-t-on si ? Et après ?
C’est la même chose à chaque présidentielle, oui mais là, c’est pire, car les lignes ont bougé, le dégagisme fait rage, les enjeux semblent plus dramatiques : la France est en faillite, dit l’un d’eux, que cette supposée faillite ne semble guère concerner personnellement ; la France est menacée dans son identité prétend-t-on, allant jusqu’à craindre que la vague islamiste n’atteigne jusqu’aux droits … acquis par les féministes ; la guerre est à notre porte, faut-il parler à Poutine ou lui tenir tête, la mer monte, doit-on fermer les centrales ou non ?
Bref, il est temps que cela se termine, que les ponts du mois de mai et les prochaines vacances ramènent toutes ces passions à leur juste place et la paix des ménages avec, et qu’à la passion du politique succède celle, ennuyeuse, répétitive quelque peu bienheureuse parfois, de l’ignorance tranquille et du cynisme ordinaire.
Philippe Jouary – Avril 2017