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Patient : jamais vocable n’a été plus pertinent pour qualifier ce qu’il désigne. Le patiens était, au XIIème siècle, « celui qui supporte, qui endure, qui souffre sans murmurer les adversités, les contrariétés, celui qui subit » (Dictionnaire historique d’Alain Rey).

Ben, personnage principal du film, nous entraine dans un voyage en centre de réadaptation, pays où l’on est débarqué sans connaitre les habitants, ni la langue, ni les coutumes, à commencer par des termes codés : para, tétra, tétra incomplet, TC. Il doit prendre le temps – et il en a beaucoup – de comprendre à la fois comment il fonctionne depuis l’accident qui l’a rendu handicapé et dépendant de son entourage et aussi comment fonctionnent les autres, malades et soignants.

Etre patient c’est attendre – les soins, les repas, le changement de la batterie déchargée du fauteuil roulant électrique, les séances de kiné qui le font progresser, les parents et les amis, à l’instar de cet homme mutique qui attend indéfiniment une improbable visite. Et Ben devient (un) patient (par son entrée dans des lieux et dispositifs ad hoc) en même temps que porteur d’un handicap.

Etre patient c’est supporter – les velléités des personnels enthousiastes ou blasés, les diagnostics parfois abrupts, la promiscuité des chambres et salles de rééducation. Et Ben ravale sa honte des raisons qui l’ont emmené là et renonce peu à peu à une partie de ce qui faisait sa vie avant l’accident.

Etre patient c’est aussi inventer – les moments de partage, les blagues entre amis pour se soutenir, les confidences, les challenges, une histoire d’amour. Pour passer le temps, Ben crée des liens avec Farid, Toussaint, Samia, Steeve, Eddy. Leur vient une question : pourquoi viennent-ils tous des banlieues ? Où sont les autres ? Sont-ils les seuls à connaitre ce malheur d’être enfermé dans son corps ? Dans le soin aussi il y a des classes sociales, entre les patients qui déambulent, lentement pour manger un peu de temps, dans les couloirs des centres d’accueil, dans l’attente qu’on vienne les lever et les coucher et par ailleurs ceux qui bénéficient d’une armada de personnels à domicile ou dans des lieux plus conviviaux.

Un film touchant, à l’humour décalé, qui interroge ce qu’est le handicap, ce que celui-ci empêche mais aussi autorise à penser et à faire.

Claudine Hourcadet – Avril 2017

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