Une vaste mobilisation se déroule actuellement à l’échelle mondiale pour dénoncer les violences faites aux femmes, les discriminations publiques et privées, les hostilités explicites et implicites qui leur sont constamment adressées, voire les mises à mort. Des dénonciations de position dominante pleuvent, des voix jusque-là silencieuses, sinon étouffées, se manifestent. A la bonne heure !
Or, l’avenir de cette mobilisation, la possibilité qu’elle induise des effets dans les comportements et aussi dans les têtes, dépend de l’analyse qu’on peut en faire, de la mise à plat de ses tendances et des jeux entre ces tendances, du repérage des sous-entendus qui ordonnent cet ensemble. Son décryptage actuel conditionne, pour partie bien entendu, son devenir futur. Et devrait éclairer aussi précisément que possible contre quoi il s’agit de lutter et ce qu’il s’agit de défendre.
Revenons sur la nature de cette mobilisation. Nature composite, de toute évidence. Toutes sortes d’éléments y convergent qui en font la force. Depuis les multiples modalités de sexisme et de chosification sexuelle des femmes jusqu’au principe, peu formulé mais bel et bien pratiqué, « à travail égal, salaire inégal », en passant par les professions dites féminisées et donc sous-payées, la double journée… la liste est longue, large, inépuisable. Mais instable, foncièrement et structurellement instable. Prise à la lettre, cette mobilisation risque de laisser dans l’ombre le sexisme féministe (sic) à l’égard des hommes, la promotion canapé qui, imposée, n’exclut pas l’offre de canapé en échange d’une promotion, le harcèlement subi peut comporter de la soumission volontaire, la femme-objet n’empêche pas l’homme-objectivé.
Voulons-nous dire que tout revient au même, zéro partout ? Pas du tout ! C’est l’idéologie victimaire que nous épinglons ici. Soit le schéma simple, simpliste, simplificateur : « hommes victimaires/ femmes victimes ». Moult situations concrètes semblent l’attester. Non sans quelques trompe-l’œil rédhibitoires, cependant. On y confond agents et causes, protagonistes et moteurs. Agents et protagonistes sont bien des hommes et des femmes, tandis que causes et moteurs relèvent d’un système social et idéologique dont les humains font tous partie ainsi que des institutions, des religions, des intérêts de toute sorte. Les hommes (pas tous) peuvent imposer et les femmes (pas toutes) subir au sein d’une logique objective qui les dépasse tous de tous côtés – en y collaborant peu ou prou, éventuellement à leur insu. Quoi qu’il en soit, ces acteurs sont toujours agis.
Cette mobilisation rappelle la différence toujours agissante – faite de clivages et d’alliances – des genres et des dimensions sexuelles au sein des sociétés, entre les hommes et les femmes, entre les hommes et entre les femmes, dans les institutions et dans les pratiques. Différence qu’on peut situer en état de lévitation sociale, guidée par sa seule logique psychique ou bien penser comme inséparablement connectée aux enjeux idéologiques et politiques. C’est ce qu’il s’agit d’escamoter ou au contraire de rendre visible. A partir de là on peut solliciter moins de lieux communs et commencer à discuter – sereinement, de préférence.
Saül Karsz – Novembre 2017
Saül, tu as très bien formulé ce que j’avais envie d’écrire, ça m’évitera de le faire. Merci.
Et bonne suite.
Gérard