Cette accusation récurrente aux relents de morale judéo-chrétienne [ah ! la faute !] fait de l’institution l’origine exclusive de difficultés des personnels dans l’exercice de leur activité, dans la bonne marche d’une structure, dans les relations au sein des équipes. Or, si par son architecture, son organisation et son fonctionnement l’institution n’y est pas pour rien, elle ne constitue nullement la seule dimension à considérer.
Identifier l’institution à un personnage que l’on pourrait appréhender par un face à face ou à bras le corps relève d’une conception quelque peu animiste. L’imaginer détentrice d’une autorité incontournable et incontestable mobilise des théories infantiles que l’on croit exclusives des enfants. Souventes fois, institution est confondue avec direction, soit avec certains de ses représentants. Ce raccourci oblitère les nombreux autres acteurs qui y interviennent, toutes hiérarchies confondues – tous également responsables, quoique chacun à sa manière, du fonctionnement d’ensemble.
Institution : appareil, ensemble de dispositifs, mécanismes, contraintes, ressources et visées objectives porté par une histoire, des traditions, des perspectives. La traversent des rapports de pouvoir et d’alliance assumés par des sujets et des groupes qui n’en sont pourtant pas maitres souverains. Non réductible aux représentations ni aux discours à son propos, elle contient des forces et des faiblesses à inventorier, tant du côté de la direction que de celui des personnels. Il s’agit de mettre en évidence les marges de manœuvre des uns et des autres, leurs antagonismes et leurs compromis – au beau milieu de l’institution !
Intéressante remarque qui met le doigt sur un de nos maux.
Dans ce sens, lire le travail passionnant de Bernard Lahire sur les énormes fautes épistémologiques de certains sociologues, lorsqu’ils entérinent les individus coupés de leur contexte, pris hors des procédures de socialisation qui les constituent, rendant indigente toute vision complexe de l’institution qui n’est jamais « hors de nous »: « Bernard Lahire, Dans les plis singuliers du social, La découverte, 2013 ».
Malheureusement, et c’est un signe, (de l’inconscient des TS?)le livre qui fait souvent référence aujourd’hui sur l’institution, chez les travailleurs sociaux et les formateurs (et qui est très durement critiqué par Lahire) est « Le déclin de l’institution » de François Dubet, dont la rigueur méthodologique est pour le moins douteuse (lire chez Dubet le passage sur les travailleurs sociaux qui est une caricature.)
Amitiés à l’équipe de pratiques sociales.
Jean François Gomez