Les semaines passées ont laissé le souvenir de drôles de danses. Chez les candidats, des ballets de séduction, des pas chassés, des entrechats, des avancées au pas de l’oie et des reculades plus ou moins feutrées ont jalonné la campagne électorale. Parmi les votants et ceux qui se sont abstenus, des farandoles et autres rondes ont mis les instituts de sondages parfois en difficulté.
Se sont dessinées des postures et attitudes inhérentes à la situation : des partis traditionnels en déroute, un challenger ambitieux et décomplexé, une dédiabolisée arrogante, un représentant de la vraie gauche offensif, un ancien premier ministre pris les doigts dans la confiture, un représentant socialiste honni par son propre camp et d’autres « petits candidats » plus ou moins pressés de se rallier aux prétendants les plus propices à octroyer une place à la guinguette finale.
Que nous enseignent ces chorégraphies et qui a mené, de fait, le bal en question ?
Il serait léger de considérer que seuls les candidats en ont écrit la musique. Les media, s’ils ont largement contribué à mettre en avant ou à écarter des partitions et des livrets, ne sont pas non plus les seuls responsables des clivages et autres fausses notes qui sont apparus en cette période. Quant au peuple, il n’a jamais été un ni indivisible.
Si clivages il y a eu, c’est aussi pour chacun, en chacun des sujets peu ou prou concernés par l’affaire. Si le choix a pu être difficile, ce n’est pas seulement en raison des propositions en lice mais également parce que se sont mis au travail notre bravoure et notre veulerie, nos fantasmes et nos aveuglements, nos croyances et nos doutes, bref les historiettes que nous nous racontons pour nous faire peur, nous rassurer ou nous convaincre que nous prenons, si ce n’est la meilleure option, en tout cas la moins pire. Il n’est guère aisé de mettre à jour ces conflits intrapsychiques car « le Moi n’est pas maitre en sa propre demeure » [Freud] et peine généralement à (re)connaitre les petits arrangements et compromis qu’il élabore avec lui-même.
Nos choix – et le non-choix en est un ! – sont également révélateurs de notre façon d’être au monde, de nos conceptions de la société, soit des positionnements idéologiques qui concourent à perpétuer l’état des choses ou au contraire à tenter de le modifier. Se dévoilent en cette occasion les éventuels travestissements dont nous nous parons parfois et qui cèdent le pas à des convictions profondes et pas toujours bien connues de nous. Les choix que nous posons sont-ils vraiment des choix ou bien des penchants inexorables ?
Une alternative s’offre à nous. La valse, et notamment la valse-hésitation, qui encourt le risque de ne guère savoir sur quoi on s’est positionné. Le tango, et son rigoureux tempo, qui impose de faire un pas de côté pour essayer de savoir quelque chose de notre outillage idéologique et inconscient, d’élucider un tant soit peu ce par quoi nous sommes agis.
Claudine Hourcadet – Mai 2017