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You are currently viewing Anatomie d’une chute – film de Justine Triet (août 2023)

Dès le départ, on a une impression de froid : le décor de neige, la posture alémanique de l’héroïne, les yeux floutés de Daniel, son fils malvoyant. La vie est là pourtant, faite du bruit des pas dans le silence des espaces neigeux, de la musique de plus en plus puissante et, plus tard, des cris entre le mari et l’épouse.

La mort est le fil rouge du film : celle du mari découvert par son fils le crâne fracassé sur le sol. Mort inexpliquée, suspecte, enjeu de bataille dans un procès qui ne dévoilera pas le fin mot de l’histoire, l’explication ultime de l’événement mortifère, d’un réel qui ne peut que se mi-dire [Lacan].

Ce film traite de l’impossible du couple, du cheminement que chacun fait avec et par devers l’autre, du déséquilibre des désirs et des ambitions des partenaires. L’homme est à la maison et s’occupe de l’enfant ; il n’arrive pas à faire vivre son projet d’écriture. La femme exploite ce qu’elle vit et en fait une œuvre, la nourrissant de la chair de son histoire. Rôles inversés qui bousculent l’ordre supposé établi des choses.

L’enfant s’interroge sur ses parents qui restent partiellement des inconnus : qui est sa mère ? Qui était son père ? Comment et pourquoi faisaient-ils couple ? Aidé par une agent judiciaire, il est incité à choisir entre ses désirs, celui de vérité quant à ce qui s’est effectivement passé et celui de ne pas perdre sa mère après son père. Interpelé en témoin providentiel, il va néanmoins jouer à celui qui n’a rien vu et pas tout entendu afin d’élaborer un scénario pour que sa vie et celle de sa mère continuent malgré tout. Le procureur, plaidant à charge, ne pourra pas infléchir ce scénario, peut-être parce que celui-ci vient d’un enfant à l’innocence fantasmée, taxé de clairvoyance malgré sa cécité et parce que la vérité sortirait de la bouche des enfants, dit-on…

« Quand on manque de preuves, comme ici, il n’y a que le récit pour raconter les personnes et ce qu’elles vivaient ensemble » dit Justine Triet, la réalisatrice. Dans cette histoire intime sans récit psychologiste, chacun dira quelque chose de sa vérité, de son rapport forcément idéologique au monde au couple, à la fidélité, à la justice, à l’éducation, à la fusion impossible des êtres… Un très beau film au scénario subtil, aux acteurs très convaincants, à la mise en scène efficace !

Claudine Hourcadet – septembre 2023

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