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Le gouvernement français songe à une loi autorisant les personnes « du même sexe » à contracter mariage et à adopter des enfants, mais les maires pourraient ne pas l’appliquer au nom de leur liberté de conscience : cette loi serait-elle invalidée avant sa promulgation ?  Assurément la question  divise : partis politiques traversés par des dissensions internes, manifestations et défilés, points de vue opposés dans la presse écrite et orale,  contradictions entre psychanalystes, certains arc-boutés sur la nécessité impérieuse pour les enfants de grandir avec UNE mère et UN père, d’autres dénonçant la rigidité de leurs collègues…. Enumération aussi incomplète que disparate. Et, cependant, des liens forts unissent ces positions tranchées.

Premier point commun : toutes les positions en lice semblent d’accord pour définir les sujets homosexuels comme des personnes du même sexe. Physiologiquement et anatomiquement pertinente, cette affirmation ne l’est pas du tout quant aux pratiques sexuelles concrètes. Chez les humains, le sexe n’est pas la sexualité. Si dans la nature il y a bien deux sexes, dans la culture il y a plusieurs sexualités, – lesquelles procèdent de l’investissement socio-désirant du sexe. En effet, chez les humains, les positions dites féminines et les positions dites masculines ne sont pas forcément celles des femelles et celles des mâles, même pas chez les couples dits hétérosexuels !  A moins, bien sûr, de confondre la « différence des sexes » avec la « différence anatomo-physiologique des organes sexuels » ! ? On escamoterait alors les acquis de la psychanalyse progressiste, des études féministes sur le genre, du précepte de Simone de Beauvoir : « On ne nait pas femme [ni homme], on le devient ». Impossible d’en comprendre quelque chose sans expliciter les paramètres socio-historiques, soit le travail de modelage, mise en forme, mise en musique, mise en situation, mise en œuvre que les sociétés et les couches et classes sociales font afin que le sexe soit pris dans des sexualités. Sans ce travail, il ne reste que du sexe male et du sexe femelle : pas de quoi fonder une quelconque filiation !

Deuxième point commun : l’institution du mariage n’est nullement mise en question pour la raison que des sujets « du même sexe » pourraient y accéder ; au contraire, cet accès élargit les assises du mariage, ainsi confirmé comme modalité nécessaire du vivre-ensemble. « Hétéro et homo, même combat », – maintes législations européennes, américaines  et  latino-américaines l’ont bel et bien déjà compris… Aucun prétendu ébranlement du « socle anthropologique de l’humanité» ne pointe à l’horizon, puisque le dit socle est juste le remake de la « vocation divine » que les religions prêtent aux humains. Sont affolées certaines conceptions, postures, manières de s’expliquer le monde et la place de chacun dans ce monde. Rien de plus, rien de moins.

Troisième point commun : opposants et partisans partagent ce principe d’après lequel, au travers de la question-écran du mariage et de l’adoption, des idéologies se confrontent ou s’allient, des conceptions de la société et du vivre-ensemble se font face ou s’épaulent. Car ni le mariage, ni la sexualité ni enfin l’adoption ne sont des affaires uniquement privées, intimes, secrètes. Que la sexualité touche chacun de nous au plus profond, n’implique nullement que les enjeux sociaux en seraient absents. On a beau fermer les portes des alcôves, elles restent irrémédiablement ouvertes.

Saül Karsz – Décembre 2012

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