Analyse de la pratique, analyse de l’activité, supervision, groupe de parole, clinique transdisciplinaire… : autant de déclinaisons aujourd’hui indispensables à la mise en perspective des pratiques professionnelles. Déclinaisons nullement interchangeables, cependant, car clivées par de fortes oppositions théoriques et pratiques. Cette rubrique entend en débattre chaque mois, avec la collaboration des lecteurs : suggestions, articles, controverses, recension d’ouvrages et de formations, récits d’expériences…
Enjeu stratégique, en effet, car les tâches, la portée, les logiques des interventions sociales et médico-sociales se trouvent aujourd’hui sérieusement ébranlées. Plus explicitement, plus systématiquement que par le passé elles ont cessé d’être évidentes, ou plutôt de le paraître. Il en va de même dans bien d’autres domaines : enseignement, médical, psychologique… Tout se passe comme si les destinataires de ces interventions n’avaient plus le monopole des situations difficiles, complexes et/ou compliquées, plus d’une fois rédhibitoires, apparemment sans issue. Même les appellations usuelles – usagers, bénéficiaires, élèves, patients – demandent des éclaircissements. Serions-nous à un tournant qu’on qualifierait d’historique ? Car ce sont les interventions qui posent aujourd’hui problème et les intervenants qui s’interrogent individuellement et collectivement. Ces derniers savent faire mais pas toujours quoi faire. Une rénovation s’impose, à la fois régénération des pratiques et remotivation des praticiens. La poursuite de leur travail, indispensable à de vastes secteurs de la population, est à ce prix.
Autant de raisons pour considérer que l’analyse des pratiques représente un enjeu stratégique dans le devenir des praticiens, dans la cohésion des équipes, dans la culture institutionnelle. Les effets de cette analyse se font également sentir auprès des publics rencontrés lors des interventions, dans la manière de déchiffrer les situations où ils sont pris et d’imaginer des issues.
Mais il y a analyse et analyse. Toutes ne donnent pas accès aux mêmes contenus, ne visent pas les mêmes objectifs, ne se déroulent pas à l’identique, n’engagent pas des postures éthiques semblables. Sensibilisés à des dimensions chaque fois particulières, les professionnels font valoir diversement leurs réflexions, savoir-faire et attentes. Selon le genre d’analyse mis en œuvre, leur outillage théorique et opérationnel diffère du tout au tout. Cette confrontation critique et raisonnée est le thème de la présente rubrique – à partir de décembre prochain. Et, espérons-le, avec la collaboration active des lecteurs.
Saül Karsz – Novembre 2013