Marga Mendelenko, psychologue psychanalyste, fondatrice de l’association Lieu-dit : » Ma compréhension de la question est issue de deux expériences… »
1 – En quoi les questions de famille(s) et de parentalité(s) vous paraissent-elles constituer, représenter, faire partie des enjeux contemporains ? Parleriez-vous de famille et/ou de parentalité au singulier ou au pluriel ?
2 – Quels arguments comptez-vous présenter lors de votre intervention aux XX° Journées ?
1- Ma compréhension de la question est issue de deux expériences : d’une part au sein de Pratiques Sociales, nous avons constaté que la problématique de la parentalité transforme l’abord de la – des – famille(s) ; d’autre part, à travers ma pratique psychanalytique, en privé et en institution (CMPP, IME) ainsi que dans l’Association que j’ai créée, « Lieu-dit », qui reçoit gratuitement des personnes en difficulté psychique, économique, sociale, familiale… En fait, je constate comment les enfants, les parents, l’entourage trouvent différentes façons de « faire-famille ».
La famille, en tant que construction historique, est toujours en changement. La nouveauté, aujourd’hui, c’est l’importance donnée à ces mutations. S’il y a toujours eu un certain contrôle des « bons » et des « mauvais » parents, la parentalité précise le modèle, la jauge avec laquelle les uns et les autres sont mesurés. Cette tendance va en s’imposant dès les années 1980 – en opposition avec les orientations de la psychanalyse. Les maisons vertes, par exemple, n’ont pas été créées dans cette logique de contrôle.
2- A partir de situations de ma pratique psychanalytique, j’essayerai de rendre compte de comment les enfants se saisissent de l’habit transférentiel – représentant le supposé savoir du psy – avec lequel le ou les parents m’ont parée, et organisent ainsi leurs modalités singulières du faire famille.
L’enfant, même si je le reçois tout seul, vient avec plusieurs configurations familiales : ses symptômes, ses manifestations de souffrance ne sont pas qu’individuelles. Les enfants, les adolescents, ainsi que les parents, témoignent des liens qu’ils tissent avec plusieurs parents, plusieurs grands-parents, homo ou hétéro, en deçà et au-delà des fictions qu’ils produisent, avec des personnages imaginaires, avec leurs camarades, leurs instituteurs, leur entourage. Parfois, les voisins, ou leurs enfants, deviennent parrain ou marraine de cœur plus significatifs que les liens avec les parents de sang. Donc c’est en même temps au singulier et au pluriel que tout cela se décline et que des solutions émergent.
Ainsi, Leonora, qui depuis l’âge de 10 jours vit en « famille d’accueil », elle considère celle-ci comme ses « vrais parents », ses « parents de cœur », tandis que ses parents biologiques elle décide de les nommer par leurs prénoms et les rend visite, sans trop d’enthousiasme, un après-midi tous les quinze jours.
Ainsi, Dominique, 14 ans, venue en consultation à la suite du départ de son père avec un compagnon. Se sentant trahie, refusant de le rencontrer, elle essaye de trouver un compromis que pourra lui permettre de récupérer l’amour de son père – qu’elle imagine avoir perdu.
Enfin, le petiot Daniel – 4ans – qui d’après sa mère « a la démarche et la façon de s’exprimer d’un philosophe » inconsolable du décès de son arrière-grand-père quelques mois avant sa naissance, trouve cependant dans les conversations avec son arrière-grand-mère des ruses pour le rendre bien vivant au sien de la famille.