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Le travail sur l’autonomie est un des objectifs majeurs des équipes sociales et médico-sociales en direction de jeunes dits sans repères ou même sans désirs, de vieux supposés les avoir perdus, de populations dites en difficulté ou handicapées qui n’arrivent pas à assumer leurs multiples problèmes ou de parents supposés défaillants qui manqueraient de compétences pour élever leurs enfants.

Il s’agit de faire en sorte que les individus et les groupes qu’ils accompagnent, tenus parfois pour vulnérables et guère acteurs, soient en capacité de faire des choix et décident de leur vie.

Travail important qui témoigne du souci des professionnels de prendre en compte les ressources de leurs publics, de leur permettre de montrer et développer leurs savoirs et savoir-faire, de faire valoir leurs choix. Travail primordial aussi car il mise sur une collaboration optimale entre les populations qui s’adressent aux services sociaux et les intervenants, chacun faisant une partie du chemin.

Mais que veut dire être autonome, en fait ? Le jeune qui remet en question quelques codes sociaux, l’usager qui rate très régulièrement les rendez-vous avec les travailleurs sociaux, la personne âgée qui n’en fait qu’à sa tête manquent-ils d’autonomie ? Ou au contraire utilisent-ils les marges de manœuvre qui sont les leurs face aux pressions réelles ou imaginaires auxquelles ils sont soumis ?

L’injonction « sois autonome ! » – avec le sous-entendu « c’est un ordre ! » – semble paradoxale tant l’autonomie préconisée ne se décrète pas et est afférente à des modèles hégémoniques du vivre-ensemble, soit des façons de se tenir en public et dans sa vie privée et d’évoluer selon certaines normes. Etre autonome ne veut-il pas dire alors se conformer à des codes en vigueur et réagir de manière stéréotypée à des situations-problèmes ?

Dans le langage courant, être autonome signifie être libre et indépendant. C’est oublier que le moi n’est pas maitre en sa propre demeure (Freud). C’est également ne pas considérer les multiples dépendances économiques, politiques, idéologiques, sexuelles auxquelles tout un chacun est peu ou prou tenu. Toute autonomie est donc relative, partielle, sujette à de multiples déterminations.

Rendre autonome, entend-on dire parfois, favorise l’inclusion. Reste à savoir dans quoi… S’interroger sur ce qu’autonomie veut dire peut aider les professionnels à moins se tromper de cible.

Claudine Hourcadet – décembre 2014

Cet article a 2 commentaires

  1. Daniel Lafon

    J’aurais tendance à reconnaître ce discours sur l’autonomie jusqu’à un certain point seulement, comme si le vêtement proposé pouvait m’aller sans toutefois me permettre tous les mouvements à ma guise.
    Bien sûr, ce terme d’autonomie est chargé d’idéologie et tant qu’à faire d’en parler, j’aime autant balayer large idéologiquement, précisément pour mieux me sentir « libre et indépendant ».
    Sans contredire votre présentation, Claudine Hourcadet, la réalité politique, économique et sociale étant ce qu’elle est à ce moment de notre histoire, la question essentielle de l’accompagnement à l’autonomie pour chaque personne me paraît être la suivante : quelle(s) démarche(s) (d’autonomie) voulez-vous construire au regard des réalités qui se présentent à vous, de la représentation que vous vous en faites et de la perception de vos propres ressources, pour agir sur votre environnement et gagner en mieux-être ?
    Ainsi posée, la question de l’autonomie n’occulte, me semble t-il, ni les enjeux de la liberté, responsabilité individuelle, ni les enjeux, individuels comme sociétaux, de l’adaptation et du changement.

    1. claudine

      Bonjour,

      Je vous remercie pour votre très intéressant commentaire qui me permet de réfléchir encore à la notion d’autonomie. Vous posez en effet une question essentielle qui interroge les conditions objectives dans lesquelles évoluent les usagers et leurs marges de manœuvre réelles ou supposées. Je vous renvoie les quelques pistes de réflexion que cette question a suscitées chez moi :

      * J’entends avec intérêt votre stratégie de « balayer large idéologiquement » qui m’apparaît comme une tentative de repérage des contraintes subjectives et objectives auxquelles nous avons à faire face, soit la mise à jour des modèles et repères qui nous font agir et nous agissent, parfois à notre insu.

      * La réalité – que nous construisons avec des matériaux conscients et inconscients – ne coïncide cependant pas avec le réel qui lui ne se laisse pas facilement appréhender. Il nous faudrait, me semble-t-il, caractériser un tant soit peu la réalité politique, économique et sociale dans laquelle nous évoluons pour dégager quelles sont nos marges de manœuvre, justement.

      * La notion d’autonomie mériterait certainement d’être définie pour ne pas confondre l’autonomie dans l’absolu (vision idéaliste) avec certaines de ses déclinaisons socio-historiques. Il me semble que parfois on dit autonomie pour dire adéquation avec des façons de vivre socialement plus désirables que d’autres.

      * Le « voulez-vous construire » m’interroge car il me semble que l’autonomie, comme je souhaite le montrer dans mon article, ne se décrète pas et ne relève pas entièrement ni toujours de la volonté.

      * L’adaptation – aux modèles dominants – et le changement – censé ne pas modifier l’équilibre présumé de la société – me semblent en effet être des enjeux importants dans les conditions socio-historiques dans lesquelles nous évoluons et nous sommes pris.

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