C’est ainsi que se caractérisent les patients du centre Antonin Artaud de Reims, dans un étonnant documentaire paru en avril 2018. Si le Larousse est lacunaire au sujet de ce mot peu usité, il nous indique néanmoins que l’intranquille est inquiet ou insatisfait.
Intranquilles ces patients donnant à voir comment ils tentent de s’arranger avec leurs symptômes, de construire avec ces derniers des compromis plus ou moins viables. Pourrait également être rendue intranquille la rassurante certitude des normaux d’être les représentants incontestés d’une Normalité intangible. En atteste le refus exprimé par certains patients lors d’un groupe soignants/soignés, de tenir pour normale l’idée que la psychiatrie ne concernerait que les fous. Possiblement intranquille aussi la présumée neutralité idéologique du malade : le film donne à voir combien les patients sont politiquement positionnés, lorsque par exemple ils s’expriment sur le DSM-V ou sur ce qu’il est éthiquement possible de montrer ou non dans ce documentaire en train de se fabriquer. Le film illustre en outre ce que l’engagement idéologique peut comporter de thérapeutique – les sujets n’hésitant pas à évoquer les débats animés au sein du centre ou des manifestations à l’échelle nationale, comme contributifs à un certain mieux-être.
Nous, les intranquilles propose une certaine conception de la folie et de ses déclinaisons chaque fois singulières, et permet d’alimenter d’indispensables questionnements sur le champ dit de la santé mentale.
Réflexions au cœur des prochaines Rencontres du Réseau Pratiques Sociales, sur le thème : La santé mentale : idéal social, enjeu clinique, illusions subjectives avec Mathieu Bellahsen, Pierre Souchon, et Saül Karsz
Sébastien Bertho – Juin 2018
Voir les références de l’article en cliquant sur LPDC 91 – Nous les intranquilles