Editorial du N° 10 du Bulletin du Groupe Petite Enfance « Spécial autisme ».
1911 : BLEULER associe l’autisme à une schizophrénie, alors que SKANNER dit que ce n’en est pas une. Des débats constants s’engagent sur la catégorie d’autisme. S’y ajoutent les hypothèses des courants organicistes (thérapies comportementales cognitives, génétique, biologie…).
La question reste ouverte et suscite un regain d’intérêt. Les inconnues dépassent de loin les certitudes ; les enjeux politiques et sociaux sont plus ou moins clairs.
Lacan a peu abordé la question de l’autisme et y a fait rarement référence, montrant par là une certaine prudence. Il a seulement évoqué la schizophrénie et parlé du dispositif de l’analyse comme d’un « autisme à deux ». L’autisme est une catégorie qui nous confronte à la question de l’origine : « au degré zéro de l’être humain ». Il y a donc nécessité de créations théoriques rigoureuses.
Quelques auteurs (Colette Soler, Pierre Bruno et Éric Laurent,) se questionnent : est-ce « une maladie de la libido » ? Faut-il « délivrer l’autiste de l’assujettissement au terme d’autisme » ? Pour tous ces auteurs, la référence à la structure est constante.
Rappel de la loi sur l’autisme de 1996 qui énonce le bénéfice, quel que soit l’âge de la personne porteuse, d’une prise en charge pluridisciplinaire tenant compte des besoins et difficultés spécifiques (sur les plans éducatif, pédagogique, thérapeutique, social).
La questions de la responsabilité des psychanalystes dans l’accompagnement des personnes est posée à partir d’une situation :
Après un an et demi de travail avec une analyste, les parents d’une petite fille autiste décidèrent de demander l’avis d’une magnétiseuse. Que leur fille aille mieux n’y fit rien. Malgré des changements visibles (réduction des comportements rigidifiés, apaisement des conduites compulsives, répétitives, ritualisées, nouvelle vivacité et présence du regard, embellissement physique) et quelques semaines après que Sophie ait commencé à dire « Maman », les parents la conduisirent chez cette magnétiseuse. Cette dernière, par l’intermédiaire d’un « savant » (guérisseur), allait trouver la cause de la maladie : c’est le vaccin, la tuberculine, qui a produit de tels ravages. Avec quelques doses de médicaments homéopathiques, pendant trois mois, le mal devrait être enrayé. A moins qu’il n’ait été dû à un staphylocoque doré, auquel cas le guérisseur n’y pourrait rien… Les parents étaient charmés, très satisfaits des résultats obtenus avec la magnétiseuse. Celle-ci aurait conseillé de suspendre l’analyse pendant la prise de médicaments. La cure n’avait pas produit les effets escomptés : pour le père, Sophie n’avait appris ni à lire ni à écrire ; tandis que pour la mère, en demandant plus de présence et d’investissement de sa part, Sophie devenait trop envahissante.
La « magie » entretient la passion de l’ignorance. Selon Lacan, pour qui les trois passions de l’être sont l’amour, la haine et l’ignorance, « la psychanalyse est un remède contre l’ignorance. Elle est sans effet sur la connerie ». Quelque chose a pu surgir de l’ordre de la culpabilité chez ces parents. Ce qui laisse à penser que la rencontre avec un analyste ouvre parfois à ce qui est insupportable. Comment travailler cet insupportable ?
Claudine Hourcadet – janvier 2024