You are currently viewing L’effondrement moral, il n’y a que ça de vrai !

« Avons-nous la détermination nécessaire pour nous attaquer à l’effondrement moral à petit feu [de la société] que l’on observe (…) depuis quelques générations ? », s’est demandé M.David Cameron, qui s’exprimait dans un centre pour jeunes dans le petit village de Whitney, situé dans sa circonscription de l’Oxfordshire, dans le centre de l’Angleterre.

Le premier ministre anglais a trouvé la bonne formule pour qualifier les récents événements londoniens (révolte, désordres, prise d’espaces publics, casses…). Comment, en effet, cela peut-il arriver, même sans adhérer à l’Europe, à l’euro, aux politiques communautaires ? Very very shocking! Quelle est la cause de ces effroyables événements ? Effroyables, en effet, puisque ce sont eux qui ont forcé l’appareil judiciaire à travailler à l’abattage, jour et nuit, week-end compris, pour condamner des centaines de participants qui ne pouvaient être que délinquants, obligatoirement délinquants, car ils se soulevaient contre l’ordre normal et inexorable du monde. D’ailleurs, face à quelques réticences de la police locale à employer trop fort la manière forte, il fut également nécessaire d’embaucher un spécialiste américain des « troubles urbains » (comparables aux troubles du comportement et autres TOC, mais en grand format). Finalement tout est rentré dans l’ordre, c’est le cas de le dire ! Certains sont rentrés en prison, d’autres sont rentrés dans leur désespoir, d’autres encore se sont demandés où ils pourraient rentrer, d’autres sont rentrés dans leur boulot habituel aux conditions habituelles…

Reste la bonne formule, tellement bonne qu’on peut s’étonner qu’elle n’ait pas été reprise dans d’autres pays où des révoltes majeures ou mineures grognent, sont matées, recommencent ailleurs. Car un peu partout la même lancinante question se pose : comment des gens peuvent-ils être anormaux ? Comment ne comprennent-ils pas que le monde ne saurait pas être différent de ce qu’il est ? Avec tous les efforts qu’on consent pour eux, rien n’y fait !

C’est pourquoi le diagnostic de l’effondrement moral formulé par le premier ministre pour expliquer les événements londoniens n’est pas entièrement faux. En effet, si on admet que les conditions de vie, économiques mais pas seulement, ne sont pas modifiables en profondeur, que le contraste est naturel entre les richesses vertigineuses de quelques-uns et la médiocrité de vie, la paupérisation croissante du plus grand nombre, si on admet que nous vivons dans des sociétés pléthoriques dans lesquelles, pourtant, des individus, des groupes, des couches sociales se limitent à survivre…, il ne reste alors que l’effondrement moral. Tel un symptôme, celui-ci dit ce qui, vu avec les lunettes du pouvoir, fait défaut en dernière instance, partant, ce qu’il faut toutes affaires cessantes, restaurer.

En attendant, quelque cabinet ministériel planche probablement sur un principe tellement évident qu’il ne fut guère énoncé jusque-là. A savoir : il est dorénavant interdit d’être pauvre sans s’avouer, individuellement et collectivement, que rien n’est plus normal et mérité. Voilà comment idéologie et inconscient sont à l’œuvre, surtout quand on n’en est pas au courant.

Saül Karsz – Septembre 2011

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