La laïcité peut développer des tendances fondamentalistes – le système éducatif, élément essentiel des appareils idéologiques d’Etat – n’y est pas pour rien ! Nous sommes tellement habitués, depuis la toute petite enfance, à rentrer dans les rangs, voire dans les moules sociaux et culturels du public et du privé… Si au fronton des établissements brille le beau leitmotiv « Liberté, Egalité, Fraternité », de multiples expériences témoignent des détournements à ce propos. C’est ce à quoi répondent, à leur manière, les « phobies scolaires » dont souffrent maints élèves. C’est vrai, aussi, que beaucoup d’autres se sont bien et même très bien débrouillés. Or, en deçà et au-delà de leur réussite, nous savons très peu du prix subjectif payé pour les brimades, injustices et punitions encaissées tout au long de la scolarité. Apprendre en silence, apprendre sans contester la nature du savoir proposé, son orientation idéologique : n’est-ce pas là une modalité qui relève, à sa manière, d’une tendance intégriste ?
Heureusement, cette tendance qui en est bien une, n’est pas seule. D’autres traversent le système éducatif qui prennent en compte les potentialités/capacités, les difficultés, les puissances créatives des élèves et aussi des personnels, qui ne classent pas les interrogations, incompréhensions et divergences dans le registre du maladif ou du dissident…
Dans Le Monde [04.12.2020] :
« Selon les points de vue, la laïcité française est tour à tour « ouverte » ou « radicale », « positive », « stricte », « fantasmée », « répressive », « de collaboration » ou « d’abstention », « de reconnaissance » ou « de contrôle », comme si ce ‘concept-valise’ ne suffisait pas à lui seul et nécessitait toujours d’être précisé » – d’après J.-L. Bianco [président de l’Observatoire de la laïcité].
Jean Baubérot, Histoire de la laïcité en France (2005) : la séparation des Églises avec l’État n’est pas le résultat d’une négociation de puissance à puissance, mais rend compte du passage d’une laïcité qui était le bien exclusif d’une des deux France en conflit (celle des tenants de la Révolution française et celle de « la fille ainée de l’Église »), à une laïcité qui peut inclure les membres des deux France avec la Constitution de 1946 et celle (1958) de la Ve République où il est indiqué : « La République est laïque (…). Elle respecte toutes les croyances. »
Du même auteur qui a popularisé l’expression « nouvelle laïcité, lire La laïcité falsifiée (La Découverte, 2012). Notamment, son analyse des inégalités entre les religions et entre les croyants (telles les lois sur le voile islamique), contrevenant ainsi directement à l’esprit originel de la loi.
Pour rappel, deux lois consacrant la laïcité : 1882/1886, Jules ferry laïcise l’Ecole publique et 1905, séparation de l’Eglise et de l’Etat.
Marga Mendelenko-Karsz – janvier 2021