Des membres de Pratiques Sociales ont souhaité rendre hommage à leur amie Marga qui nous a quittés le 10 décembre 2021.
Son souvenir est toujours vivace, qui nous fait nous rassembler pour évoquer ses travaux et la culture dont elle faisait montre sans jamais la mettre en avant.
Saül Karsz a mis en regard l’histoire de vie de Marga, en partie commune avec la sienne propre, et son parcours intellectuel. Une histoire faite de lectures des philosophes grecs et des penseurs de la psychanalyse, liée à une fidélité sans failles à ce en quoi elle tenait : le respect de la parole de l’autre, l’écoute attentive et le décryptage pointu des symptômes en tant que révélateurs de l’inconscient et de sa logique. Fidélité aussi à son pays d’origine, l’Argentine, et à sa langue (dont elle avait contre vents et marées gardé l’accent) ainsi qu’à la genèse de son appétence pour la psychanalyse liée à l’histoire du pays. Marga laisse un creux dans lequel sont sédimentés des éléments d’une pensée vive et infatigable.
Joël Pouliquen, ami depuis la création de Pratiques Sociales, a proposé un texte intitulé Marga entre deux feux.
« J’ai rencontré une psychanalyste travaillée par les orientations lacaniennes qu’elle- même travaillait sans relâche.
Comme participant au groupe de lecture de Paris qu’elle a initié et animé, j’ai apprécié son souci pédagogique de nous expliquer parfois avec un certain brio, exemple à l’appui, des concepts psychanalytiques en veillant à situer leur émergence dans un contexte historique donné.
Sur le divan de son bureau j’ai été amené à exposer durant une courte période mes pensées, mes silences, mes incompréhensions, mes questions. J’avoue avoir été quelque peu dérouté entre relation transférentielle inhérente à une l’analyse et relation d’amitié. C’est d’ailleurs curieux que je n’aie pas mis cela au travail durant ces séances. Celles-ci présentaient des risques pas uniquement dues à l’analyse mais aussi à la présence d’une étagère chargée de livres au-dessus de ma tête. Le surplomb de leur emplacement à la verticale de mon horizontalité corporelle ainsi que le poids qu’imposaient les ouvrages à la frêle planche me conduisaient à chaque début de séance à me questionner intérieurement : Comment-vais-je en sortir ?
J’ai observé une praticienne soucieuse de continuer à se former dans ce qui m’est apparu pour elle un entre deux feux. La métaphore n’est pas trop forte pour symboliser d’une part son engagement, sa passion, me semble-t-il, pour la pratique psychanalytique et son étude et son engagement tout aussi fort dans les travaux et orientations de PRATIQUES SOCIALES.
Entre deux feux encore entre la légitimité statutaire que confère à ses adhérents une véritable institution comme l’École de la Cause Freudienne et la posture de recherche et d’action qui invite à des révisions théoriques et des clarifications idéologiques pour qui veut s’aventurer dans la complexité des réalités sociales et humaines.
Brigitte Riéra a repris quelques concepts de prédilection de Marga et en a fait quelques notes-repères à travers des cas cliniques : les symptômes, l’interprétation, le désir de la mère et les dispositifs d’analyse {lire l’article}. « Le passeur est dans un réseau : il met tout le monde au travail à partir de sa demande. Le départ de Marga met aussi au travail à partir de sa demande ». Lire les notes dans leur intégralité.
Claudine Hourcadet a rapporté des éléments d’un article introductif rédigé par Marga dans le numéro 10 du Bulletin du Groupe Petite Enfance : L’autisme ; à nouveau en chantier… Marga y pose entre autres la question de la responsabilité des analystes car, disait-elle, « la rencontre avec un analyste ouvre parfois à ce qui est insupportable. Or, comment travailler cet insupportable ? » {notes de C. Hourcadet}.
L’insupportable de l’absence de Marga nous amène à revisiter ses écrits et à rester fidèles à la vivacité de sa pensée, empêcheuse de trop tourner en rond.
Claudine Hourcadet