Monodisciplinaire, interdisciplinaire, pluridisciplinaire, toute équipe est toujours inscrite dans une logique institutionnelle et socio-politique qui en surdétermine le fonctionnement, les marges de manœuvre autant que les limites. Subordonnée au projet de l’établissement public ou privé au sein duquel elle opère et partiellement aux relations extra-institutionnelles, aucune équipe ne vit en circuit fermé, même si des tendances à l’entre-soi peuvent s’y manifester. Son fonctionnement dépend donc de réalités extrinsèques mais aussi intrinsèques car l’équipe est un espace de production de normes collectives qui transcendent les vécus et désirs individuels. Elle est toujours plus et autre chose que la somme des membres qui la composent. Les relations intersubjectives qui se nouent, en son sein et avec son entourage, les pactes, complicités et confrontations de même que les savoirs et savoir-faire qui s’élaborent et/ou s’affrontent modèlent une identité d’équipe au point que ses membres peuvent parfois l’imaginer une et indivisible et former ainsi une équipe idéale.
Des crises peuvent advenir dans l’équipe. Cependant elles ne sont pas toujours des moments de conflit à éviter à tout prix, mais des expériences parfois utiles pour interroger quelques évidences tenaces à propos du fonctionnement du collectif, pour faire le point sur les consensus trop vite acquis et les alliances escomptées. Ce peut être l’occasion d’analyser les manifestations subjectives autrement que comme des dispositions uniquement psychiques, mais comme des vecteurs symptomatiques de représentations, conceptions, manières de faire et de penser globales. La crise peut ainsi s’avérer une opportunité pour gagner en lucidité sur les enjeux idéologiques qui modèlent les relations affectives entre ses membres. D’ailleurs, une équipe sans crise constitue plutôt un ensemble de professionnels retranchés chacun derrière sa fiche de poste, ses compétences et incompétences, son diplôme et l’illusion de maîtrise que celui-ci peut laisser entrevoir.
Il n’existe pas d’équipe établie une fois pour toutes, mais des équipes plus ou moins stabilisées. Posons que le « faire équipe » est un processus, soit un espace de compromis à propos d’un positionnement théorique et clinique en vue de réaliser des tâches communes à l’attention des publics concernés. Pour accompagner ce processus, la formation ininterrompue des professionnels et l’analyse des pratiques sont des démarches recommandées. Afin de renforcer le transfert de compétences disciplinaires et/ou pluridisciplinaires, dépasser les méconnaissances réciproques et si possible forger le « travailleur collectif » que le faire-équipe exige.
Jean-Jacques Bonhomme – Mars 2017
Synthétique et limpide, faire émerger et reconnaître « le travailleur collectif », insoupçonné potentiel de l’agrégation des volontés et compétences.
Merci