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You are currently viewing Denis Podalydès : Lucrèce Borgia de Victor Hugo

Si d’emblée nous sommes traversés par la puissance de la mise en scène, très vite l’attention se concentre sur le texte de Victor Hugo pour interroger des questions de famille. Chez les Borgia, où pouvoir/sexe/argent/haine/criminalité sont les mots d’ordre d’un fonctionnement clanique et dominant, la règle est percutée par un sentiment inédit chez Lucrèce : la peur pour son enfant.

Gennaro, capitaine des armées, courageux et loyal, ignorant de ses origines, fait succéder la haine au sentiment amoureux envers Lucrèce Borgia : cette femme, jugée monstrueuse pour les actes qu’elle commet, tente pourtant de le protéger du mari furieux qui le croit son amant. La réalité est que Lucrèce Borgia a donné la vie à Gennaro suite à une relation incestueuse avec son frère.

Gennaro évoque sa mère inconnue : douce, aimante, belle, parée de toutes les qualités, il imagine la mère idéale. Lucrèce veut exprimer l’indicible pour racheter la faute originelle. Elle évoque l’enfant nécessaire à sa condition supposée de mère – enfant toujours héritier et symptôme des avatars familiaux – en le dotant d’une fonction réparatrice pour tous les crimes qu’elle a commis. Elle dit : « Je n’étais pas née pour faire le mal, c’est ma famille qui m’y a entraînée ».

Le dispositif scénique très sombre, proposé par la troupe de la Comédie Française, dégage une grande force entraînant notre questionnement : Lucrèce est génitrice mais comment peut-elle faire la mère ? Comment Gennaro pourrait-il accepter d’être l’enfant de cette mère et assumer les comportements mortifères de sa famille ?

Le chaos traversé par Lucrèce Borgia, l’impossible vérité à entendre pour Gennaro nous amènent à penser que la famille est toujours en prise avec des conditions socio-historiques psychiquement investies. Au travers de l’histoire sociale et familiale des Borgia se noue une double problématique, celle de la maternité insolite et celle de l’adoption des parents par leurs enfants.

Claudine Schoukroun – juillet 2014

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