Les mutations contemporaines (mondialisation, guerres de pouvoir et concurrence des marchés, précarisation de masse…) conduisent des individus hors de leurs frontières nationales vers les rives plus ou moins accueillantes du continent Europe.
Les étrangers sont à nos portes, voir nous envahissent, s’en désolent certains medias et partis politiques. Les intervenants sociaux ont à recevoir et à soutenir, avec les moyens limités dont ils disposent, des usagers issus de cultures différentes de la leur.
Qui sont ces étrangers ? Sont-ils toujours porteurs de symptômes et quels sont-ils ?
Il y a les personnes qui viennent d’autres contrées, qui parlent difficilement ou pas du tout le français, en décalage avec certaines modalités de vie des classes moyennes et populaires, adoptent des postures différentes des nôtres dans leurs relations sociales, investissent et colportent d’autres valeurs et principes, élèvent différemment leurs enfants… Ils nous sont autant étrangers que nous le sommes très certainement pour eux. Y compris quand nous avons une grande envie de les comprendre, nous n’y arrivons pas toujours parce que nous n’interrogeons pas le fait que notre vision du monde est codée par des paramètres religieux, moraux, idéologiques – vision ni naturelle ni normale. La couleur de la peau, des éléments phénotypiques, le vocabulaire utilisé sont des critères de repérage et des variables d’ajustement pour intervenir dans des situations qui se présentent à nous comme difficiles.
Les institutions et services sociaux et médico-sociaux sont également visités par des hommes, femmes et enfants nés et vivant en France et parlant notre langue mais avec plus ou moins de difficultés à se faire entendre et comprendre. Ils peuvent eux aussi ne pas avoir la même façon de vivre, ni faire crédit à des représentations et croyances, adopter des positionnements conscients et inconscients différents de ceux de l’intervenant qui les reçoit derrière son bureau. Ce sont l’éducation, le niveau de vie, la couche sociale d’appartenance qui font ici la différence culturelle.
Ajoutons à ces deux catégories une troisième, celle de l’étranger qui au mieux somnole en chacun de nous, au pire réveille des peurs et des angoisses que Freud nomme l’inquiétante étrangeté, ce qui est familier, intime et à la fois dissimulé et potentiellement dangereux. Les étrangers sont à nos portes, certes, mais des deux côtés !
C’est la différence non interrogée, donc, qui est en cause et vient questionner ce que nous considérons comme familier et rassurant, ce qui fait partie de nos habitudes et autres réflexes conditionnés. L’étranger nous apparait comme porteur de symptômes, soit de résistances teintées d’irrationalité, de projets taxés d’incohérents, de manières de vie estimées peu conformes à la société dans laquelle nous vivons.
Deux pistes de réflexion pour appréhender quelques situations vécues par des usagers considérés comme culturellement différents :
- considérer la positivité du symptôme, soit ce qu’il a de structurant et ce qu’il comporte de parades pour supporter ce qu’on a à vivre. Les symptômes qui relèvent d’une autre culture ne sont pas forcément des problèmes et les sujets qui les portent ne sont pas toujours en difficulté ni en souffrance ;
- interroger ce que la catégorisation « différences culturelles » érigée en « symptômes » escamote ce qu’il en est des clivages idéologiques, politiques, éducatifs et de leur versant moralisateur. Ce ne sont pas tant les codes et principes régissant la vie des usagers qui (leur) posent problèmes que plutôt leurs conditions de vie précaires.
Claudine Hourcadet – Septembre 2016
Enfin un article sur « l’étrange étranger » et sur la notion de « positivité » auquel il doit être raccordé. Ce en quoi l’altérité nous fait grandir, exit le symptôme..
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